La police canadienne devient de plus en plus militarisée, ce qui nuit à la confiance du public
Candidat au doctorat, sociologie et études juridiques, Université de Waterloo
Tandeep Sidhu reçoit un financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).
L'Université de Waterloo fournit du financement en tant que partenaire fondateur de The Conversation CA.
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Ejaz Choudry, un résident de Mississauga âgé de 62 ans au milieu d'une crise de santé mentale, a été abattu par l'unité tactique et de sauvetage de la police régionale de Peel en juin 2020. La mort de Choudry a ravivé l'inquiétude du public concernant le recours à la force par la police et attire l'attention sur le recours aux unités tactiques de la police pour répondre aux incidents impliquant des personnes en détresse mentale.
Les interactions avec les unités tactiques peuvent figurer parmi les rencontres entre citoyens et policiers les plus violentes. Ces unités s'appuient sur l'utilisation d'armes de type militaire, de flashbangs, de béliers et d'une gamme d'autres équipements spécialisés. Mais la militarisation de ces unités de police n'est pas un phénomène ou une tendance nouvelle. La recherche canadienne a mis en évidence des préoccupations concernant l'utilisation croissante d'unités tactiques lors d'incidents considérés comme plus courants ou routiniers.
En octobre 2022, le service de police de Toronto a publié un épisode de balado sur son unité tactique, l'Emergency Task Force (ETF). Une scène de l'épisode montre deux officiers de l'ETF brandissant et tirant des fusils d'assaut avec un suppresseur et portant des casques rappelant ceux portés par le personnel militaire.
Pourquoi la police, qui est censée assurer la sécurité publique, reflète-t-elle de plus en plus les unités militaires conçues pour la guerre ?
La plupart des gens auraient du mal à distinguer l'ETF de la police de Toronto d'une unité militaire. Dans mes recherches, je vise à comprendre les expériences vécues des individus qui rencontrent des unités tactiques de la police. Après avoir vu des officiers de l'ETF équipés de la même manière que les unités militaires, j'ai commencé à enquêter sur la manière dont la police se militarise.
Ma recherche, actuellement en cours d'examen par les pairs, a comparé des images de l'ETF de Toronto à l'infanterie des Forces armées canadiennes et aux unités des forces spéciales américaines et canadiennes entre 2008 et 2023. La recherche a examiné si les unités de police ont adopté des équipements, comme des casques, des pantalons tactiques et des fusils d'assaut, similaires à ceux utilisés par les militaires. L'approche reposait sur l'étude des similitudes d'équipement et d'armement entre les forces spéciales militaires et les unités tactiques de la police.
Les résultats montrent qu'à partir de 2016, l'ETF de la police de Toronto a commencé à ressembler de plus en plus à des unités militaires des forces spéciales. Ceci est préoccupant, car ces unités spécialisées sont chargées de poursuivre les guerres et de tuer des ennemis, alors que la préservation de la vie fait partie des objectifs centraux de la police.
L'un des aspects les plus troublants de la militarisation accrue est la manière dont les unités de police utilisent la technologie et les tactiques militaires contre les civils. Les unités tactiques de la police effectuent souvent des raids nocturnes ou tôt le matin, moments où il est courant de trouver des membres de la famille, y compris des enfants, à la maison.
Il y a des cas où la police fait une descente dans la mauvaise maison ou rencontre des individus qui ne sont pas impliqués dans des activités criminelles. Le traumatisme de ces rencontres ne peut être sous-estimé. De nombreux citoyens que j'ai interrogés dans le cadre de mes recherches indiquent avoir fait des cauchemars, de l'insomnie, avoir des flashbacks et être dans un état d'hypervigilance constant.
En adoptant des technologies et des tactiques militaires, la police traite nos villes et nos communautés comme des théâtres de guerre et traite les civils comme des ennemis. Le message implicite d'un tel équipement militarisé est que la population civile est une menace et que des tactiques de type guerrier sont nécessaires pour répondre à cette menace.
Comme d'autres pratiques policières, l'utilisation d'unités tactiques touche de manière disproportionnée les personnes racialisées, celles qui vivent avec des maladies mentales et celles des communautés économiquement marginalisées. Les décès de Choudry, Anthony Aust et Taresh Ramroop, impliqués par la police, nous rappellent les conséquences fatales des services de police militarisés au Canada.
Des agents tactiques ont également été déployés en réponse aux mouvements des droits fonciers autochtones. Cela montre à quel point la police s'appuie sur des réponses fortement militarisées dans de nombreux contextes, et pas seulement sur les activités criminelles.
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Ces pratiques contribuent à la déshumanisation et à la criminalisation des personnes racialisées et de celles qui vivent dans la pauvreté. Ils encouragent une mentalité « nous contre eux » et finissent par saper le potentiel des modèles communautaires de maintien de l'ordre.
Équiper la police comme des unités militaires, qui sont chargées de mener des guerres et de tuer des ennemis, sape l'objectif fondamental du maintien de l'ordre : protéger les personnes. Cela sape la confiance du public dans la police et nuit aux communautés mêmes que la police vise à servir.
La police canadienne devient de plus en plus militarisée, ce qui nuit à la confiance du public